« Moi, j’habite dans le 16e (pas en ce moment hein, je fais aus­si par­tie des salauds qui s’ex­pa­tri­ent). J’ai regardé la vidéo, pleine de honte, recon­nais­sant les lieux et une par­tie des gens que je croise dans mon quarti­er. Mais je ne me suis pas recon­nue. Ni moi, ni nom­bre de par­ents de l’é­cole de mes enfants, ni les autres gens « nor­maux » de mon quartier.

J’ai recon­nu les gens qui sont odieux avec les cais­sières. Mais pas ceux, qui, comme moi, sont gen­tils, polis et appren­nent à leurs enfants à l’être. Il y a aus­si des gens nor­maux dans le 16e, des gens qui se sen­tent encore de gauche (si si, on a même un élu). On pour­rait cer­taine­ment faire un « micro-trot­toir » avec plein de sales cons à peu près partout. Je vous l’accorde, il y en a plus au mètre car­ré dans mon quarti­er. Et pour… zéro foy­er de SDF. Ce n’est pas nor­mal. C’est même inad­mis­si­ble. Il y a des règles à respecter. Mais un quarti­er sans foy­er ne veut pas dire un quarti­er sans SDF. J’ai habité pen­dant des années dans une tour, dans le 13e arrondisse­ment de Paris. Jamais je n’ai vu autant de SDF que dans le 16e.

On doit aider les gens et si pour cela il faut ouvrir une struc­ture dans ma rue, et bien soitClé­mence, ex-rési­dente du 16e

J’ai une boulan­gerie dans mon immeu­ble. Le pas de porte est tenu par quelques pau­vres gars. Ils se font dépos­er par leur chef en voiture le matin, qui con­tin­ue de les sur­veiller de loin. Éton­nam­ment, après chaque cam­bri­o­lage, les vis­ages changent. Les gars ne lais­saient pas ren­tr­er ma nounou avec les enfants si elle ne leur don­nait pas d’ar­gent. S‘ils perçoivent que quelqu’un est plus faible qu’eux, ils s’en pren­nent à lui. Des micro-prob­lèmes de rich­es, je sais. Mais quotidiens.

Donc oui, je ne saute pas de joie non plus à l’idée de voir plus de gars du genre dans mon quarti­er. Hon­nête­ment, par­mi les per­son­nes qui se dis­ent choquées, je parie que beau­coup ne seraient pas ent­hou­si­astes à l’idée d’habiter en face d’un foy­er de SDF. Mais de là à péter un câble face caméra en pleu­rant sur le prix du mètre car­ré, il ne faut pas pouss­er. On doit aider les gens et si pour cela il faut ouvrir une struc­ture dans ma rue, et bien soit. Il n’y a qu’à espér­er que ceux qui ont trébuché retrou­vent pied.

Si j’é­tais maire, je prendrais le prob­lème à l’en­vers : j’amé­nagerais un cen­tre incroy­able. Arrosé de ressources, il aiderait vrai­ment les gens et saperait la gauche au pas­sage, puisque c’est sa rai­son d’être. Ça en boucherait un coin aux bour­geois­es et ça ferait plaisir à mes copines. Mal­heureuse­ment, c’est plus sim­ple de flat­ter son élec­torat égoïste et décrépi. »

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